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Réflexions sur l'actualité du droit et de la justice étatsunienne

A propos du verdict Tsarnaeiv

Simon Grivet

 Djokhar Tsarnaiev a été donc été condamné à mort par une décision unanime des douze jurés de son procès devant la justice fédérale, organisée à Boston, Massachussetts, la ville même ensanglantée par l’attentat du marathon en avril 2013. Ce fut un procès exceptionnel concluant un crime hors-norme qui engage tant l’attitude des Américains vis-à-vis du terrorisme que vis-à-vis de la peine capitale. Pour les militants de l’abolition de la peine de mort, ce verdict apparaît comme une cruelle désillusion. Les observateurs y voient toutefois l’opportunité unique de mesurer le degré d’attachement des Américains à la peine capitale en ce début de XXIe siècle.

            L’énormité du crime peut être difficile à appréhender d’un point de vue français. Peut-être faudrait-il imaginer un des frères Kouachi arrêté vivant par la police après les attentats de janvier dans une France qui n’aurait pas connu l’abolition de 1981 et qui serait jugé par une cour d’assises. D. Tsarnaev a participé à l’attentat du marathon de Boston. Avec son frère Tamerlan, Djokhar a déposé parmi les sacs des coureurs une bombe avec la certitude que l’explosion de cette bombe ferait de nombreuses victimes parmi les spectateurs. Après l’attentat, au cours de la traque, Djokhar devait tuer de sang-froid un policier.

            Défendre Tsarnaev relevait donc de la gageure. Le Fbi a mené une enquête remarquablement approfondie, une affaire de terrorisme domestique dans les Etats-Unis de l’après 11-septembre. Les lieux du crime étaient remarquablement couverts par des caméras de vidéo-surveillance et le geste des poseurs de bombe put donc être reconstitué à la seconde près. La défense du jeune homme renonça donc à contester réellement sa culpabilité. Elle laissa l’accusation développer un acte implacable d’accusation. Les jurés en tirèrent la conclusion indéniable que Tsarnaev était en effet coupable de 17 crimes pouvant être punis par la peine de mort. 

            Venait alors la phase de détermination de la sentence, les deux parties accusation et défense se faisant face à nouveau devant le même jury, une question : quel châtiment ? La perpétuité ou la mort. Ici, les abolitionnistes ont eu un peu d’espoir. Les jurés, certes, avait dû être « qualifiés » avant le procès, c’est-à-dire assurer devant le juge, qu’ils n’étaient pas opposés à la peine capitale. Toutefois, on se disait que le Massachussetts avait aboli depuis les années 1960. Les sondages à Boston montraient même une majorité franche pour épargner la tête du jeune homme. Nationalement même, depuis les sommets de sévérité sanglante des années 1990, la peine de mort recule partout aux États-Unis : trois fois moins d’exécutions, quatre fois moins de condamnations à mort, de nouveaux États abolitionnistes chaque année comme récemment le New Jersey ou le Maryland.

            L’accusation avait une stratégie simple : montrer en détails les conséquences atroces des actes de Tsarnaev. On vit donc des vidéos, des enregistrements et des témoignages terribles des victimes et de leurs proches : des corps mutilés, et blessures incommensurable. Puis, l’accusation montra le complet détachement de l’accusé, hostile, insultant ses geôliers lors de son incarcération. Pour conclure, rappeler aux jurés les images de Tsarnaev et son frère venant déposer leur bombe parmi les spectateurs du marathon, juste derrière des familles avec leurs enfants.

            La défense devait trouver des ressources inédites. Elle le fit en mettant ses pas dans ceux de Beccaria. Rappeler que la perpétuité signifiait pour Tsarnaev une longue et cruelle détention dans un pénitencier fédéral de haute-sécurité. L’avocate J. Clarke insista sur le fait que la peine la plus sévère, c’était bien en ce cas la détention à vie. Cette stratégie ne cherchait pas à dédouaner Tsarnaev de sa responsabilité ou à minimiser l’énormité de son crime. Ensuite, la défense tenta de présenter le jeune homme comme la victime de son frère et comme un individu chez qui une part d’humanité avait existé. D’où les témoignages de ses proches et de ses professeurs.

            Toutefois, un élément essentiel manquait : le témoignage de Djokhar Tsarnaev lui-même. Il est courant dans les procès dans lesquels l’accusé encourt la peine de mort qu’il ne vienne pas témoigner à la barre. Contrairement à la procédure française où l’accusé est régulièrement confronté aux questions de la cour, la tradition pénale étatsunienne garantit constitutionnellement le droit de garder le silence. L’accusé se tait et ne peut donc être contre-interrogé par l’accusation. La défense fit comparaître à la place la sœur Helen Prejean, militante abolitionniste bien connue depuis son incarnation au cinéma par S. Sarandon. La sœur Préjean vint dire aux jurés que Tsarnaev avait des remords pour ses actes. Un témoignage sans doute insuffisant. Ici, il est possible que le silence et l’attitude absolument neutre et sans émotion de Tsarnaev ont été des points rédhibitoires pour le jury. Il aurait suffi qu’un seul juré refuse la peine de mort pour l’épargner.

            Le verdict Tsarnaev vient donc rappeler à tous la vigueur de la peine capitale aux Etats-Unis. Malgré son déclin ces vingt dernières années, malgré des prises de positions abolitionnistes spectaculaires de la part de certaines familles de victimes comme la famille Martin qui a perdu un fils de 8 ans dans l’attentat, malgré les sondages récents, la peine de mort reste un châtiment ancré dans les valeurs et l’imaginaire de nombreux Américains lorsqu’ils sont confrontés à des crimes odieux. Le contentieux suivant sa condamnation sera vigoureux. La défense pourrait par exemple insister sur le fait que juger Tsarnaev sur les lieux mêmes de son crime contrevient aux règles juridiques devant présider à un procès équitable. Plusieurs cours fédérales seront mobilisées, peut-être même la Cour suprême elle-même. Les chances de succès pour la défense apparaissent minces et il est probable que Tsarnaev fasse face à l’exécution par injection létale d’ici moins d’une décennie.